La littérature musicale est un paysage réel et fugace qui peut se traverser en suivant des chemins balisés ou en coupant à travers champs. Quel que soit l’itinéraire choisi il est facile de s’y perdre complètement, d’y tracer son propre chemin de traverse, et de se retourner sur un paysage inconnu et nouveau.

Cette carte mentale se constitue et se modifie infiniment au cours de nos pérégrinations, de nos expériences, de nos découvertes sonores. J’utiliserai, pour évoquer ces pérégrinations l’image d’un champ de blé à la fin de l’été, avant la moisson. Au cours de nos différentes expériences musicales et sonores, nous suivons un trajet libre modifiant constamment la géographie des paysages que nous traversons. En avançant toujours plus loin, mais de manière non linéaire (non chronologique), au cœur de ce champ, nous plions, sous nos pas cadencés, le blé doré et traçons, dans cette masse mouvante, un sillon plus ou moins harmonieux, que nous croisons parfois de nouveau, plus ou moins volontairement, quadrillant plus ou moins le champ de blé. Mais les tiges de blé que nos pas ont foulés, courbés, parfois brisés, sont aussi balayées par le vent, un regain de sève et de soleil, les aide parfois à se redresser, rendant ce paysage, ce parcours musical et sonore, mouvant, imprévisible et cependant familier, et si, parfois, comme pour se rendre compte de son avancement, ou pour partager avec un pèlerin notre cartographie, et en apprendre davantage sur celle qu’il s’est constitué, débordant sur des parcelles de champs que nous n’avons pas encore parcourues, ou sur lesquelles nous sommes passés en suivant un autre chemin, nous nous retournons sur ce quadrillage plus ou moins régulier, plus ou moins chaotique, plus ou moins large. Peut-être n’aurions-nous suivi qu’un tracé court et étroit, parcouru en tournant sur nous même, que les impressions du voyage n’en seraient pas moins riches que si le champ derrière nous s’étale en un vaste quadrillage se perdant au-delà des horizons.

Puis nous arrêterons de tracer ce sillon pour y entrer à notre tour, et ce sera la moisson.