L’hésitation. La tentation de perturber le silence et le vide. (de déchirer la page blanche et de laisser pénétrer la lumière). Ce n’est malheureusement qu’une fois en mouvement que l’on regrette amèrement l’immobilité. L’os brisé ne reprend jamais vraiment sa forme native. L’os rongé par l’âge, lui, vit son état, l’assume, l’ignore. Même réduit à l’état de poudre blanchâtre et volatile, il n’est que silence.

Le regret éprouvé, dès lors que le silence n’est plus, reste cependant tout relatif. La contemplation d’un plan d’eau dont la masse imperturbable s’étend comme un miroir face au vide peut prendre un sens neuf lorsque une ride plus ou moins marquée vient se dessiner à sa surface - le lac gelé et minéral se change alors en un mouvement liquide et vivant qui mettra une demie éternité pour retrouver son calme originel - mais la beauté de ce spectacle n’a pas d’équivalent pour celui qui sait le reconnaitre.

Ainsi, ce matin, dans l’écho clair des couloirs de mon appartement, j’ai brisé l’os silencieux de cette idéale solitude en fredonnant horriblement, le frisson de dégoût que j’ai ressenti alors me poursuit encore tandis que, le corps entier balancé par le train qui m’emporte à très vive allure vers Paris, j’écris ces lignes.